J’avais seize ans et j’étais insouciant. Des études très belles et des amours éternelles.
J’ai eu dix-huit ans un avenir flamboyant; Des zazous plein les avenues… Zazou..zazou..tiens voilà les Allemands ! Ach…Ach…disaient-ils en rigolant. Cache ! Cache ! hurlaient mes parents.
C’ est la guerre C’est la misère C’est l’aventure C’est la capture C’est Drancy C’est fini !
J’ai eu vingt-deux ans J’ai perdu mes amis J’ai perdu la belle vie.
Je suis revenu après deux ans J’avais cinquante ans à vingt-quatre ans.
A vingt-sept ans
J’ai recommencé une nouvelle vie Et repris mes vieilles manies, Avec un nouvel amour Cette fois pour toujours.
J’ai raconté à mes deux filles le triste sort de ma famille; Sans oublier ma pauvre vie Pendant ces deux années Que les nazis m’avaient volées.
Pendant plus de quarante ans Je n’ai plus rien dit. Non,ce n’était pas un oubli Mais je ne peux plus rester indifférent A ce qui nous vient aujourd’hui.
Aujourd’hui
c’est la renaissance du racisme, c’est l’espérance du fascisme.
Ils sont de retour, à nouveau Tous ces anciens fléaux !
Aujourd’hui
J’ ai soixante-quinze ans. La colère me retourne les sangs. Aujourd’hui je dois m’exprimer sans rien vous épargner. J’ai peur que toutes nos souffrances soient bientôt oubliées grâce à ce long silence qu’on vous a si bien inculqué.
Serge Smulevic 20 avril 1996 (Source : Mémoire juive et éducation)
Qu’est-ce que la poésie? Un instant de vie Difficile à combler. Un moment de délire Pour mieux tout supporter. Ce besoin intense de toucher Le coeur du lecteur. C’est le geste léger D’une femme qui peut Sans s’élever toucher Le coeur du bonheur. C’est la prose qui chante Qui danse et délivre l’âme De l’emprise du silence. Ah, si les mots pouvaient S’aligner sans trop en dévoiler! Oh, qu’il serait doux de penser Que l’ampleur du manque Ne serait que « souvenir »! La poésie, c’est la main Qui tremble, le regard qui se trahit; Le corps en sursis se fond dans la nuit. Et vient l’envie de s’éloigner De ce monde où rien ne nous retient Si ce n’est le besoin De crier son désespoir, de pleurer en silence
De ne plus avoir peur de dévoiler sa pudeur. La poésie, c’est le chant d’une vie,
De quel droit mettez-vous des oiseaux dans des cages ? De quel droit ôtez-vous ces chanteurs aux bocages, Aux sources, à l’aurore, à la nuée, aux vents ? De quel droit volez-vous la vie à ces vivants ? Homme, crois-tu que Dieu, ce père, fasse naître L’aile pour l’accrocher au clou de ta fenêtre ? Ne peux-tu vivre heureux et content sans cela ? Qu’est-ce qu’ils ont donc fait tous ces innocents-là Pour être au bagne avec leur nid et leur femelle ? Qui sait comment leur sort à notre sort se mêle ? Qui sait si le verdier qu’on dérobe aux rameaux, Qui sait si le malheur qu’on fait aux animaux Et si la servitude inutile des bêtes Ne se résolvent pas en Nérons sur nos têtes ? Qui sait si le carcan ne sort pas des licous ? Oh ! de nos actions qui sait les contre-coups, Et quels noirs croisements ont au fond du mystère Tant de choses qu’on fait en riant sur la terre ? Quand vous cadenassez sous un réseau de fer Tous ces buveurs d’azur faits pour s’enivrer d’air, Tous ces nageurs charmants de la lumière bleue, Chardonneret, pinson, moineau franc, hochequeue, Croyez-vous que le bec sanglant des passereaux Ne touche pas à l’homme en heurtant ces barreaux ? Prenez garde à la sombre équité. Prenez garde ! Partout où pleure et crie un captif, Dieu regarde. Ne comprenez-vous pas que vous êtes méchants ? À tous ces enfermés donnez la clef des champs ! Aux champs les rossignols, aux champs les hirondelles ; Les âmes expieront tout ce qu’on fait aux ailes. La balance invisible a deux plateaux obscurs. Prenez garde aux cachots dont vous ornez vos murs ! Du treillage aux fils d’or naissent les noires grilles ; La volière sinistre est mère des bastilles. Respect aux doux passants des airs, des prés, des eaux Toute la liberté qu’on prend à des oiseaux Le destin juste et dur la reprend à des hommes. Nous avons des tyrans parce que nous en sommes. Tu veux être libre, homme ? et de quel droit, ayant Chez toi le détenu, ce témoin effrayant ? Ce qu’on croit sans défense est défendu par l’ombre. Toute l’immensité sur ce pauvre oiseau sombre Se penche, et te dévoue à l’expiation. Je t’admire, oppresseur, criant : oppression ! Le sort te tient pendant que ta démence brave Ce forçat qui sur toi jette une ombre d’esclave Et la cage qui pend au seuil de ta maison Vit, chante, et fait sortir de terre la prison.
« Rien n’est admirable comme une verdure débarbouillée par la pluie et essuyée par le rayon ; c’est de la fraîcheur chaude. Les jardins et les prairies, ayant de l’eau dans leurs racines et du soleil dans leurs fleurs, deviennent des cassolettes d’encens et fument de tous leurs parfums à la fois. Tout rit, chante et s’offre. On se sent doucement ivre. Le printemps est un paradis provisoire ; le soleil aide à faire patienter l’homme. »
J’irai défier le temps.. Au gré de mes tourments, Me coucherai dans la chanson du vent.. J’irai cueillir les fruits D’un amour interdit.. J’irai décrocher les rêves Suspendus dans ces moments Trop brefs qui nous ont séparés; Quand les heures glisseront Sur le fil de ma vie, J’irai crier ma peine. Dévoilerai mes envies, Car même la femme qui prie Tremble sous les mots cueillis Au bord des lèvres de celui Qui a sur un visage triste Dessiné la musique de la vie.. J’irai supplier l’espoir Pour que rien qu’un soir Le ciel s’ouvre et déverse Sur mon être la couleur de l’ivresse.. J’irai là où naissent les promesses J’irai……
Parcourir le chemin Qui mène vers demain, Et oser tendre les mains Vers d’autres destins… Frémir encore un peu Quand passe ton souvenir, Sourire et puis rire Quand ta voix me déchire… Refermer le tiroir Oû s’entassent les regrets, Et oser encore croire En la vie, en l’espoir… Quand un mot de tes lèvres Revient me caresser, Pleurer et puis gémir. Et oser te bannir.. Ouvrir enfin les yeux Fixés vers d’autres cieux; Après cet adieu, Formuler mille voeux.. Et oser te l’écrire; Car parler c’est mourir; Les mots sur du papier C’est tellement plus facile et Beaucoup moins fragile… Quand le corps est fatigué, Laisser glisser Les larmes de soupir, Et refermer le livre de ta vie…
Te rencontrer sans te réduire, Te désirer sans te posséder, T’aimer sans t’envahir, Te dire sans me trahir, Te garder sans te dévorer, T’agrandir sans te perdre, T’accompagner sans te guider, Et être ainsi moi-même Au plus secret de toi.
Quand tu regarderas le ciel, la nuit, puisque j’habiterai dans l’une d’elles, puisque je rirai dans l’une d’elles, alors ce sera pour toi comme si riaient toutes les étoiles. Tu auras, toi, des étoiles qui savent rire...
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