Demain, dès l’aube, à l’heure où blanchit la campagne, Je partirai. Vois-tu, je sais que tu m’attends. J’irai par la forêt, j’irai par la montagne. Je ne puis demeurer loin de toi plus longtemps.
Je marcherai les yeux fixés sur mes pensées, Sans rien voir au dehors, sans entendre aucun bruit, Seul, inconnu, le dos courbé, les mains croisées, Triste, et le jour pour moi sera comme la nuit.
Je ne regarderai ni l’or du soir qui tombe, Ni les voiles au loin descendant vers Harfleur, Et quand j’arriverai, je mettrai sur ta tombe Un bouquet de houx vert et de bruyère en fleur.
Regarde mon frère comme le ciel est bleu et serein. Le soleil nous réchauffe et la brise danse dans les feuillages. Le printemps est là. Ecoute le chant d’amour des oiseaux. Pourquoi faut-il que nous dressions nos fusils l’un contre l’autre ? Dis-moi plutôt comment vont tes enfants, tes amours. Les miens vont bien et te font dire bonjour.
Un jour, des grands de ce monde se sont rassemblés. Et pour des riens et des peut-être incertains, Ont levé les poings et se sont déclaré la guerre en proclamant : « Je lance mes armées contre les tiennes, sois prêt ». Prions le Dieu de la guerre, qu’il nous soit favorable. Demain au crépuscule, nous compterons nos morts.
Mais les morts mon frère ce sera toi, ce sera moi, ce seront nos amours. Approche, prends ma main, mes frères ont besoin des tiens. Allons sans détour, dire aux guerriers de ce monde, Que désormais, ils lèveront les poings pour rien. Que par duels, ils devront régler leurs querelles. Par politesse peut-être, nous leur serons témoins.
Puis retournons en paix, cultiver nos jardins, nos amours, Regarder nos enfants courir dans la rosée du matin, Écouter dans les ramures les oiseaux se chanter l’amour. Hélas mon frère je vois venir le maître de nos destins. Il nous faut à nouveau, jouer à qui ne verra pas la fin du jour. Pardonne-moi mon frère j’ai fait un rêve qui n’est pas pour demain.
Il faut penser ; sans quoi l’homme devient, Malgré son âme, un vrai cheval de somme. Il faut aimer ; c’est ce qui nous soutient ; Sans rien aimer il est triste d’être homme.
Il faut avoir douce société, Des gens savants, instruits, sans suffisance, Et de plaisirs grande variété, Sans quoi les jours sont plus longs qu’on ne pense.
Il faut avoir un ami, qu’en tout temps, Pour son bonheur, on écoute, on consulte, Qui puisse rendre à notre âme en tumulte, Les maux moins vifs et les plaisirs plus grands.
Il faut, le soir, un souper délectable Où l’on soit libre, où l’on goûte à propos, Les mets exquis, les bons vins, les bons mots Et sans être ivre, il faut sortir de table.
Il faut, la nuit, tenir entre deux draps Le tendre objet que notre coeur adore, Le caresser, s’endormir dans ses bras, Et le matin, recommencer encore.
Tant d’enfants aimeraient partir. Plutôt que maudire. Marcher sur les rails Est moins dangereux que certaines batailles. Dans la valise les mots de « maman », Pour oublier un moment la déchirure de cet instant Tenir contre eux leur seul compagnon… Le témoin de tous les outrages Subis à cet âge. Partir vers un autre horizon, Là où les mains s’avancent Avec tendresse, sans maladresse. Sans aucune « douteuse » caresse…. Qu’il est doux ce rêve. Qu’il est honteux ce géniteur Qui commet tant d’horreur Se blottir au milieu du lit, Se faire « papillon ». Devenir tout « petit ». Ne plus sentir. Ne plus souffrir, S’enfuir… Partir, partir... Ils rêvent du lointain, Mais emportent leur chagrin. Ils grandissent Leur coeur durcisse.
J’aime ces gens étranges Aux trous dans la mémoire Des trous remplis de plaies Présentes ou bien passées Vérités toutes crues Remontant en marée Quand les masques ont fondu Que la farce est jouée
J’aime ces gens étranges A la mémoire trouée Qui échangent des bribes De leurs vies effacées Voyageurs sans papiers Sans qualification Ils sont ce que nous sommes Et nous leur ressemblons
J’aime ces gens étranges Qui repèrent la fausseté Des gestes et des paroles Réclament l’amour vrai Carburent à la tendresse Négligent tout le reste Ils sont vérité nue Ils aiment ou ils détestent
J’aime ces gens étranges Qui ont le mal d’enfance Comme le mal du pays Qu’ils chercheraient en silence Derrière l’apparence De leur mémoire perdue Leurs corps parlent une langue Que nous n’entendons plus
Julos Beaucarne (extraits d’un poème de : Alzheimer et spiritualité,
Je pense en particulier à Annie Girardot, actrice que j’aimais beaucoup et qui est décédée de cette maladie..
Femme enfant le matin, elle se laisse griser par des rêves incertains… Son chemin tracé sur les pétales du bonheur, Elle suit sans peur son destin…Et frémit son coeur où se blottit le bonheur
cueilli sur le bord des chemins qu’elle emprunte dès que le jour pointe dans le lointain….
Femme fleur à midi, elle dessine sa vie à l’infini… Les promesses caressent le bleu de ses yeux.
De ses lèvres s’échappent des aveux
Qui montent jusqu’aux cieux…
Son sublime regard devant tant d’émoi
au silence s’unit..
Femme sage le soir, elle pleure sous le regard De l’être dépourvu de tendresse… Elle se noie dans les gestes qui la blessent…
Ses rêves se perdent dans un épais brouillard….
Si le violon joue le parcours de sa vie, Ce sera pour faire vibrer une dernière fois Le tourbillon de ses envies.. Oh, que nulle pensée ne vienne troubler Cet espoir insensé…. Que l’archer qui frôle la corde, Termine son oeuvre sur une mélodie Si souvent espérée…
Qu’elle lui accorde
Un soupçon de joie
La nuit est avancée Le jour approche
Elle incline son corps Et cherche un accord Qu’il soit enfin doux Et calme son courroux
Quand tu regarderas le ciel, la nuit, puisque j’habiterai dans l’une d’elles, puisque je rirai dans l’une d’elles, alors ce sera pour toi comme si riaient toutes les étoiles. Tu auras, toi, des étoiles qui savent rire...
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